l’art zafimaniry, chef-d’œuvre en péril
Jean-Pierre Randriamampandry, Eugène Andriamihaja
Menuisiers et artisans hors pair, les Zafimaniry à Madagascar n’arrivent plus à vivre de leur art. Leurs objets sont mal payés et la forêt disparaît rapidement. En déclarant leur savoir-faire chef d’œuvre du patrimoine, l’Unesco va favoriser sa préservation.
Quand les touristes quittent Madagascar, leurs valises sont très souvent chargées de sculptures en bois, bibelots en palissandre, cendriers ou autres articles utilitaires en bois noir massif ou même de chaises sculptées (deux pièces de bois encastrées en forme de « X » incliné bien connues des amateurs et des catalogues européens de mobilier exotique). Les Zafimaniry, un peuple de 20 000 habitants qui vit à 200 km au sud-est de Tananarive, confiné entre la falaise de l’Est et le plateau Betsileo, sont les artisans de ces souvenirs appréciés. Le savoir-faire de ces spécialistes du travail du bois de palissandre a été déclaré chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco le 7 novembre 2003. Une reconnaissance bienvenue à l’heure où les Zafimaniry ont de plus en plus de mal à vivre de leur art et où la forêt dont ils tirent leur matière première disparaît à toute allure.
90 % de la forêt ont disparu
Le pays zafimaniry est composé d’une centaine de villages et hameaux perchés sur des hauteurs boisées. Un vaste atelier artisanal à ciel ouvert. Vohitrandriana en est un village typique : juché sur un monticule d’où il émerge de la brume de la forêt, il est composé de maisonnettes de bois entièrement sculptées de motifs géométriques. Fabriquées sans aucune pièce métallique, elles sont entièrement démontables. Un Zafimaniry peut ainsi acheter une maison entière pour la remonter ensuite à un autre endroit. Il y a 40 ans, la forêt naturelle de cette région était évaluée à plus de 8000 ha, peuplée d’essences de bois variées. Aujourd’hui, on estime qu’il ne reste plus que 10 % de la forêt originelle : cette disparition est directement liée au développement de l’artisanat régional et au commerce du palissandre. Et aussi aux défrichages et aux brûlis pour cultiver le maïs et le haricot que font traditionnellement ces artisans. Mais ils cultivent peu, vivant surtout de chasse et de cueillette. Pour acheter du riz et des légumes, ils vendent sur les marchés des objets d’art ou des morceaux de bois destinés à la sculpture. La plupart dépendent entièrement de la forêt pour vivre, témoigne le vieux Rakalavelo : « Chaque village a sa propre spécialité du travail de bois. À Vohitrandriana, les hommes sont tous des scieurs de père en fils. Ils émigrent plusieurs mois par an partout à Madagascar là où il y a des bois. Certains possèdent même des tronçonneuses. » Leurs femmes restent au village pour tresser des chapeaux de paille ou des nattes en fibre végétale. D’autres sculptent le bois et fabriquent des objets que les collecteurs se chargent de vendre à Ambositra qui se déclare capitale de l’artisanat à Madagascar.
Un art dévalorisé
Mais à l’image de leur forêt, le niveau de vie des Zafimaniry se dégrade ces dernières années. « Il y a une vingtaine d’années, confirme le président d’une association d’agriculteurs, Razafimandimby, les parents arrivaient à scolariser leurs enfants jusqu’au baccalauréat . En ces temps-là, la forêt était encore riche en bois de palissandre et le travail du bois sculpté était bien payé. Maintenant les ressources forestières diminuent et les gens manquent d’argent pour envoyer leurs enfants à l’école ». L’important pour eux est que leurs enfants aillent vite travailler en ville. En outre, ce travail est bien moins payé : il y a 20 ans, une statuette de 10 cm s’échangeait contre 25 mesures (kapoaka) de riz blanc ; actuellement cette même statuette vaut à peine deux mesures de riz. Pour Patricia Rasoazanamalala, de la direction du Patrimoine du ministère du Tourisme et de la Culture, « ce sont les boutiques spécialisées d’Ambositra qui profitent le mieux des objets d’art, car elles commandent à bas prix des objets grossiers, non finis aux Zafimaniry. Après, les boutiquiers font assurer les finitions et récoltent les bénéfices ». Cette pauvreté croissante pousse les jeunes à quitter le pays ce qui remet en cause la transmission de ce savoir ancestral. Afin de préserver ce qui reste de forêt, la population de Vohitrandriana, sensibilisée par des Ong, a mis en place un pacte social pour gérer la vingtaine d’hectares déclarée protégée. La coupe sauvage y est interdite tandis qu’on crée des pépinières pour replanter des arbres. Comme ailleurs dans la Grande île, la Gestion locale sécurisée (Gelose) est en train de se mettre en place dans le but de rendre les communautés locales responsables de la gestion de la forêt qui les fait vivre. Dans un souci de diversification des revenus, certains misent sur le tourisme ou sur la production de rhum artisanal pourtant réprimée par la loi. Enfin, pour d’autres, la solution la plus réaliste est de former les Zafimaniry à l’élevage et l’agriculture. Mais pour sauver leur art, ils auront besoin de plus. Le maire de la commune d’Antoetra, la seule accessible par une route secondaire, attend les retombées économiques de la décision de l’Unesco. « La population, dit-il, espère bénéficier de contributions extérieures pour l’aider à préserver le mode de vie basé sur les ressources naturelles. Et pour léguer son patrimoine aux futures générations ». Selon la Direction du patrimoine, les Zafimaniry vont sûrement être aidés, en particulier pour créer un syndicat d’artisans et mettre en place une centrale d’achat pour le bois
source http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=3664
Au pays Zafimaniry
Altitude maximum: 1787 m
Altitude minimum: 1278 m
Denivelé total positif : 1551 m
Denivelé total négatif: -1500 m
à partir d’ Antoetra accessible en taxi brousse, 22 km de marche sur 2 jours
pour aller à la rencontre des sculpteurs sur bois au pays zafimaniry en passant par
Laibory
Sakaivo
Tetezandrotra
Faliarivo
Pour les plus féroces on peut descendre sur Ranomafana en 7 jours